Lettre à toi qui m’aimes, Julia Thévenot, éd. Sarbacane, 2021 / Blog-tour

Souffle lecteur, souffle. La poussière s’est accumulée par ici, et notre ménage de printemps commence maintenant, avec la sortie du dernier roman de Julia Thévenot : Lettre à toi qui m’aimes, publié aux éditions Sarbacane. Cette histoire, tu l’as sans doute déjà entendue, c’est celle d’un amour à sens unique et de son chagrin, où Yliès aime Pénélope, mais Pénélope en aime un autre. Tu en as déjà lu hein, des histoires comme celle-là ? Oui ? Mais non en fait, parce que ici, c’est Pénélope qui raconte, qui se raconte, délivre ses questionnements, les incertitudes que ça peut creuser chez elle, parfois même, sa culpabilité et sa colère. On a aimé cette nouveauté, le tout porté par une écriture moderne, dynamique, poétique sous fond de rock.

Comme notre dernière interview remonte à un temps que les moins de 20 ans ne doivent sans doute pas connaître, on a décidé de soumettre l’autrice à nos questions hautement poétiques, et oserais-je l’affirmer, pertinentes ?

Dans Ta Page :
Adolescence, lits superposés. Tu rêves d’une chambre rien [qu’à toi].
Ta sœur te demande ce que tu fabriques là-haut, |pourquoi ton lit grince comme ça ?]
Tu retires ta main de ta culotte, vite fait.
Tu lances : Rien !
Je fais du Rock’n’roll
Lisette Lombé

La frontière entre l’enfance et l’adolescence, l’émergence du sexe et du rock’n’roll : pourquoi écrire sur cette période-là ?

Julia Thévenot :
C’est une période tellement marquante ! On n’en a jamais fini d’être forgé, excité, troublé, par ses expériences d’adolescence. C’est pour ça que les ados sont partout, dans les livres, les films, les chansons. Ils détiennent le pouvoir des drames absolus.

On n’en a jamais fini d’être forgé, excité, troublé, par ses expériences d’adolescence.


On n’est pas sérieux quand on a 17 ans ? Et quand on a la trentaine ? Tu as un conseil pour tes personnages ?

Un conseil pour ceux-et-celles qui ont 17 ans ? Ouhlà. J’écoutais pas les conseils, à cet âge-là !

Je voudrais surtout rétablir une vérité : les chagrins d’amour et autres aventures qu’on vit à l’adolescence, ils ne sont pas « anodins », on ne les oublie pas, jamais.

C’est étrange, être ange, dit l’ange. C’est étrâne, être âne, dit l’âne, et être autrice, plutôt étrange ou étrâne ?

Âne, définitivement.

Qu’est ce qui te tourbillon d’idées ? Qu’est-ce qui te carnet, qui te plume, qui t’encre ? Qu’est ce qui te main, te papier, te gomme ?

Haha, je vois que Loïc Demey est passé par là* ! La poésie des autres m’inspire, comme toi. J’en lis beaucoup depuis quelques années…

Mais pour Lettre à toi qui m’aimes spécifiquement, mon moteur d’écriture, c’est un chagrin d’amour que j’ai vécu entre 15 et 20 ans ! (C’est vachement long, hein. Je l’ai senti passer !)

J’étais très amoureuse (c’était évident), et lui non (explicitement), et, avec le recul (et la sagesse des ans), j’ai réalisé combien ça avait pu être dur, pesant, pour le garçon que j’aimais, et qui, en plus, me voyait si souvent. C’est un roman presque comme un « pardon, j’ai compris, maintenant ». Je me suis beaucoup amusée à l’écrire, car j’ai inversé les rôles.

*En fait quelqu’un est passé avant lui…voir la playlist. Note de l’intervieweuse

Qui
Se tient
Derrière le pelage du monde ?

La poésie ? Est-elle partout d’après toi ?

(Très belle question !)

J’ai envie de répondre oui, qu’on peut trouver de la poésie partout, il faut la voir, la provoquer, la faire éclore.

Mais non la poésie n’est pas partout, c’est sûr. Souvent, elle n’est même pas dans ce qu’on appelle poésie, comme cette veine de slogans de bien-être qui fleurissent sur insta et en librairie, sortes d’injonctions au bonheur et à l’acceptation de soi. C’est encore et toujours le même serpent du happiness management qui nous remonte de la gorge du Capital, jusqu’à ce qu’on vomisse des fleurs en chantant « Chaque jour est une opportunité ! Je suis forte comme un soleil, je pousse comme une graine ! » histoire de se donner des forces pour la journée.

C’est de la bienveillance – qui est une forme de beauté. Mais ce n’est pas de la poésie.

La poésie doit faire un peu mal pour être réussie. La poésie doit piquer. Piquer dans des creux non-identifiés du corps, attaquer les organes intimes de l’imaginaire. Et nous faire songer « Aïe. Cette image. C’est si étrange ; je n’y aurais jamais pensé. » La poésie est un dérangement qui rétablit la vérité.


La poésie est un dérangement qui rétablit la vérité

Le vent souffle sur les plaines, de la littérature jeunesse, je jette un dernier regard sur « Lettres à toi » et « Bordeterre », L’inspiration est venue te chercher, peux-tu nous raconter comment tout ça a commencé (talala talala lalala dans la vallée oha, de Julia laliala)

Hahaha ! Voilà comment ça s’est passé : Hakim le fils du forgeron est venu me chercher, et… j’ai décidé de le suivre dans la vallée de l’imaginaire.

Pour moi, ça a commencé avec Rowling, Pullman, Gaiman et consorts, et avec l’envie de raconter des histoires dingues, des histoires fantastiques. Or, la fiction, c’est de l’émotion. Tout le travail qui s’ensuit pour faire un livre réussi (la narration, la structure, la poésie) répond au besoin de restituer et sublimer cette émotion. C’est ça, qui m’intéresse !!! Et ça, on peut le faire dans tous les genres… je n’ai pas fini de vous surprendre, j’espère. (Wink wink)

Playlist poétique (dans l’ordre d’apparition) :

Lisette (Lombé)- Vénus Poética / L’arbre à Paroles, 2020
Arthur Rimbaud – Roman
Jacques Prévert
Ghérasim Lucas – Prendre corps
Andrée Chedid – Epreuves du visage
Manau- La vallée de Dana (Dana, Dana talalala lalala)

Mon père des montagnes / Madeline Roth- Le Rouergue, 2019

mon-pere-des-montagnesOn a tous en nous, quelque chose de Madeline
Cette volonté de prolonger la nuit
Ce désir fou de vivre une autre vie
Ce rêve en nous avec ses mots à elle

Opla, toutes les belles rimes de JoJo mises à la poubelles sans vergogne aucune. On est un petit peu comme ça sur ce blog, d’Axelle Red à Johnny, on n’a pas trop trop de limite en terme de playlist et d’arrangement musical…

Mon père des montagnes donc, où comment Madeline Roth met à nu les relations familiales (et nous dévoile son probable partenariat financier avec le lobby des fabricants de mouchoirs, je vois pas d’autres possibilités…). Lire la suite de « Mon père des montagnes / Madeline Roth- Le Rouergue, 2019 »

Rouge / Mathieu Pierloot – Thierry Magnier (Petite Poche), 2017

rouge-pierlootI fell in love with a teacup, and not being pertubed by her lack of seeing, she fell in love with me*

De la définition d’un conte, je ne me rappelle qu’une partie de cette phrase de mon cours de 6e « blablabla bla blabla …intervention du merveilleux blabla blabla bla ». D’après Wikipédia, mes souvenirs sont incomplets (ah bon ? ), et associer le conte à la simple intervention du merveilleux est une idée communément admise mais insuffisante à décrire ce genre aux caractéristiques littéraires qui lui sont propres. Un conte écrit se doit donc, toujours d’après Wikipédia, d’être un récit court et plutôt linéaire, et ce récit peut prendre la forme d’un conte qui sera dit « merveilleux » si merveilleux il y a. Et dans Rouge, il y a beaucoup. Définitivement.

*1re phrase d’un poème introuvable de Ma Li Calder, que j’ai rencontré (le poème) par hasard dans une sorte de revue où j’avais moi aussi publié, toujours par hasard un pas très bon texte. Elle ne m’a jamais quitté, cette première phrase, et j’ai longtemps été jalouse de ne pas l’avoir écrite moi-même.

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Top 10 (un peu plus en fait) des livres (jeunesse, mais pas que) qui font du bien

A Bachelorette Pool PartyQue celui qui n’a jamais eu cette requête me jette le premier service de presse. Celle de cet être humain, s’approchant piteusement de la banque de prêt/banque d’accueil/bureau (rayer la mention inutile), le dos vouté et le regard dans le vague, les cernes béantes et la lèvre frémissante, qui te demande d’une voix à peine audible « s’il vous plaît, est-ce que vous avez un livre qui fait du bien ».

Entendez : un livre drôle, frais, qui va me sortir de cette morosité dans laquelle je suis ancrée à grand coup de JT, de climat qui fout le camp, d’enfants qui font la guerre et de pollution partout.

On a tous un ou deux titres en tête, qui nous sauvent la mise rapido, mais on a quand même vite fait le tour. Alors on vient à ta rescousse et te propose un Top 10 (et +) des livres qui font du bien.

Alors vas-y, prend ton stylo et note.

Cet article est garanti 0 % livre plombant.*

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Ma Fugue dans les arbres / Alexandre Chardin – Magnard Jeunesse, 2019

arbres Quand nous chanterons, le temps des cerises, et gai rossignol et merle moqueur seront tous en fête.

C’est un joli petit livre. Un joli petit livre frais et printanier. Un livre d’aventures et de famille, qui se lit comme ça, et qui se referme avec du grand air dans la tête.

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Dix, Marine Carteron. Editions du Rouergue, 2019

dix

Un pari fou. Voilà ce que nous propose Marine Carteron. La réécriture d’un classique, d’un monument de la littérature, c’est un peu quitte ou double. Et ici, on parle quand même du célèbre Les dix petits nègres d’Agatha Christie. Rien que ça.

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Jérôme par cœur / Thomas Scotto et Olivier Tallec – Actes Sud, 2009

jéromeLucie aime Raphaël qui aime Jérôme. J’peux l’dire. Très facile.

Il y a des livres qui peuvent changer des vies. Je l’sais, vu qu’y en a des qui ont changé la mienne. Celui-là en fait partie. Et c’est pour ça que je voudrais pouvoir l’offrir à tous les enfants du monde, Jérôme par cœur. Tous. Parce que je voudrais par là pouvoir leur dire, j’voudrais par là qu’ils lisent tout seul, que l’amour c’est beau. Point. Que tout le reste, c’est des histoires d’adultes, tout ce qui est rajouté dessus, les couches et les couches d’analyses, d’avis, de préjugés, ça concerne pas ceux qui aiment. Et que s’ils comprennent pas, ben ils ont qu’à laisser ça à ceux qui comprennent.

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Le Vallon du sommeil sans fin / Eric Senabre – Didier jeunesse, 2018

sommeilIls m’entraînent, au bout de la nuit, les démons de l’ennui, m’entraînent, jusqu’à l’insomnie, les démons de minuihiihiiiiiit.

Si tu n’es pas venu ici pour souffrir (bonjour la référence qui a AU MOINS plusieurs mois) et que tu n’aimes pas avoir peur, passe ton chemin jeune ami. Parce que Le Vallon du sommeil sans fin est le roman le plus effrayant que j’ai lu depuis longtemps. Plongée au plus profond de tes cauchemars.

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Bergères guerrières / Jonathan Garnier et Amélie Fléchais – Glénat, 2017-18 et au-delà

bergeresMon mouton à moi, est un gangster, mon mouton à moi est un gangster, il fait partie du ministère amer [de la guerre]*.

*je sais pas pourquoi j’ai toujours cru qu’il disait « de la guerre » alors que, vérification faite, pas du tout. Un psychanalyste parmi vous ?

Salut à toi, Moumoute chérie qui nous rejoins peut-être sur ce blog pour la première fois, appâté par l’odeur alléchante de la bergerie en ébullition, salut à toi, habitant des hauts-plateaux du sud-ouest, heureux de constater que nous ne t’avons pas oublié ni toi ni l’autre moitié laineuse des habitants de ta contrée, salut à toi, l’irlandais, l’écossais, l’islandais, le néo-zélandais, salut à toi, fan de tricot et de laine, salut à toi, qui en a marre de lire des BD avec des petits garçons qui jouent aux jeux-vidéo et des petites filles qui font de la danse ou du poney. Salut. Tu veux un thé du Larzac ? C’est un peu comme du foin, mais liquide, ce qui nous permet de filer subtilement cette métaphore de la moutonnade, qui elle-même nous permet d’installer tout aussi subtilement l’atmosphère qui te permettra de saisir l’ampleur de la génialitude qui t’attend à la lecture de ces deux opus de Bergères Guerrières, en attendant que le 3e pointe le bout de son nez.

Alors oui, tu vas dire qu’on radote, parce qu’on avait déjà parlé de Bergères Guerrières ici*, mais c’est notre blog, on fait ce qu’on veut.

*d’ailleurs, ce remarquable article, que je viens de relire, est tout à fait d’actualité, donc n’hésite pas, c’est cadeau

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Capitaine Rosalie / Timthée de Fombelle, Isabelle Arsenault- Gallimard, 2018

rosalieDis, quand reviendras-tu, dis, au moins le sais-tu, Que, tout le temps qui passe, ne se rattrape guère, Que, tout le temps perdu, ne se rattrape plus.

Dis, Rosalie, le sais-tu, que les Grands font parfois pour leurs enfants des choix qui ne sont pas les bons, mais ils le font, tu vois, des fois, parce qu’ils ont encore plus peur que vous de la vérité. Faut pas nous en vouloir Rosalie, on veut juste se protéger, et vous protéger vous de cette vie dans laquelle on vous a fichu. Allez, viens Rosalie, viens, on va se raconter des histoires au coin du feu, on va se rouler en boule sous une couverture, on va fermer les yeux et on va rêver que ça va mieux.

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